Chaque année, des milliers de jeunes quittent le système éducatif sans diplôme ni qualification. Pour ceux qui se retrouvent sans solution après Parcoursup, une voie méconnue mais efficace existe : les Écoles de la Deuxième Chance (E2C). Conçues pour répondre aux défis de l’exclusion scolaire et professionnelle, elles offrent un cadre adapté à ceux qui souhaitent rebondir.
Maryvonne (conseillère en orientation) : « Les écoles de la deuxième chance, c’est croire en ceux qu’on a oubliés »
Un mercredi de juin, dans un petit bureau lumineux d’une mission locale de Seine-Saint-Denis, Maryvonne nous accueille avec un sourire franc et une pile de dossiers colorés sur son bureau. À 42 ans, cette conseillère en orientation est une figure locale de l’accompagnement des jeunes décrocheurs. Sa voix est douce mais assurée, teintée d’un engagement profond. Ce matin-là, elle veut nous parler d’une solution souvent méconnue : les Écoles de la Deuxième Chance (E2C).
Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les écoles de la deuxième chance, et pourquoi elles vous tiennent autant à cœur ?
Les E2C, ce ne sont pas juste des écoles. Ce sont des bouées de sauvetage. Elles accueillent des jeunes de 16 à 25 ans, souvent perdus, sortis du système scolaire sans diplôme. Et là, on ne parle pas que d’échec scolaire. On parle de gamins qui ont été abîmés par la vie : précarité, violences, manque de repères. Ce que j’adore avec les E2C, c’est qu’on ne leur demande pas un CV ou une lettre de motivation pour entrer. Juste l’envie d’essayer. Et moi, je crois fermement que chacun mérite une deuxième chance.
Avez-vous un souvenir marquant d’un jeune que vous avez accompagné vers une E2C ?
Oh, il y en a plein… Mais je pense à Yassine. Il avait 18 ans, un regard fuyant, le genre de garçon qui pense qu’il ne vaut rien parce qu’on lui a trop souvent dit. Il avait arrêté l’école en 4e. Quand je lui ai parlé des E2C, il a rigolé. Il m’a dit : « C’est mort, madame, personne veut de moi. » Trois mois après son entrée, il faisait un stage dans une boîte de bâtiment. Aujourd’hui, il est en apprentissage et il m’a envoyé un texto : « Merci de ne pas m’avoir lâché. » Rien que pour ça, ça vaut tout l’or du monde.
Qu’est-ce qui rend ces écoles si efficaces selon vous ?
Leur force, c’est l’individualisation. On ne les met pas tous dans le même moule. On évalue leurs compétences, leurs envies, et on construit un parcours avec eux. Il y a des cours de base – français, maths – mais aussi beaucoup de stages, des immersions en entreprise. Et puis, surtout, un accompagnement humain. Chaque jeune a un référent qui ne le lâche pas, même après la sortie. Ça change tout. Ce n’est pas une école classique, c’est une équipe qui vous tient la main jusqu’à ce que vous marchiez seul.
Certains disent que ces écoles ne délivrent pas de diplômes… est-ce un vrai frein ?
Pas du tout. On n’a pas toujours besoin d’un papier pour exister. Les E2C délivrent des attestations de compétences, et surtout, elles redonnent confiance. Et cette confiance, elle ouvre des portes. Beaucoup de jeunes reprennent ensuite une formation qualifiante ou trouvent un emploi. Ce n’est pas une fin, c’est un tremplin. Et parfois, c’est même une renaissance.
Et pour les jeunes qui n’ont rien eu sur Parcoursup, que leur dites-vous ?
Je leur dis : « Respire. Ce n’est pas la fin. » Parcoursup, c’est un outil, pas un verdict. Il existe plein d’alternatives, et les E2C en font partie. On peut se réorienter, rebondir, se reconstruire. Ce qui compte, c’est d’être prêt à s’impliquer. Et il y a toujours quelqu’un pour t’aider, pour croire en toi quand toi-même tu n’y crois plus. Les E2C, c’est un peu ça : un endroit où on recommence, avec bienveillance et exigence.
Un dernier mot pour les parents ou les jeunes qui hésitent encore ?
N’attendez pas d’être au fond pour demander de l’aide. Les E2C, c’est une deuxième chance, pas une punition. C’est une opportunité, pas un dernier recours. Venez, parlez-en. Ce n’est pas un échec d’y aller, c’est un acte de courage. Et croyez-moi, le courage, j’en vois tous les jours chez ces jeunes. Ils n’ont pas tout raté. Ils sont juste en train de recommencer autrement.
Un public ciblé et un accueil sans condition
Les E2C s’adressent aux jeunes âgés de 16 à 25 ans, sortis du système scolaire sans qualification reconnue. L’entrée se fait sans critère académique, sur la base du volontariat via des structures d’orientation comme les missions locales. Avant de débuter, les candidats suivent une période d’évaluation de quatre à cinq semaines qui permet de bâtir un plan de formation personnalisé.
- 90 % des stagiaires n’ont jamais eu d’expérience professionnelle
- 50 % n’ont jamais occupé d’emploi
- Le parcours dure entre 4 et 12 mois selon les besoins
Un accompagnement sur mesure
Le cœur du dispositif repose sur un triptyque structurant :
- Renforcement des compétences fondamentales : français, mathématiques, communication
- Immersion en entreprise : 30 % du temps consacré à des stages pour découvrir les réalités du monde du travail
- Suivi individualisé : accompagnement pédagogique et social jusqu’à un an après la sortie
Chaque stagiaire progresse à son rythme grâce à une pédagogie modulaire et adaptée à son projet professionnel.
Un réseau actif en lien avec les entreprises
Les E2C entretiennent des partenariats étroits avec le tissu économique local. Ces collaborations permettent :
- La réalisation de stages pratiques
- Des opportunités d’emploi ou d’alternance
- Une meilleure adéquation entre formation et besoins du marché
Cette alliance avec le monde du travail favorise l’insertion durable des jeunes et renforce leur employabilité.
Un dispositif reconnu et structuré
L’idée d’une deuxième chance a été lancée par l’Union européenne dans les années 1990. En France, un réseau national de plus de 130 sites permet à un grand nombre de jeunes d’y accéder. Les E2C sont aujourd’hui reconnues comme un outil essentiel dans la lutte contre le décrochage scolaire.
Chiffres clés |
Valeurs |
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100 000 jeunes sortent chaque année sans diplôme |
Insertion, inclusion, autonomie |
12,9 % des jeunes sont sans emploi, études ou formation |
Valorisation des compétences |
Une impulsion vers l’avenir
Les E2C ne délivrent pas de diplôme mais fournissent une attestation de compétences, valorisable auprès des employeurs et centres de formation. Cette reconnaissance permet aux jeunes de retrouver confiance en leurs capacités et de se projeter dans l’avenir, que ce soit vers un emploi, une alternance ou un nouveau parcours éducatif.
Documentation gratuite