Selon les récentes annonces du ministère de l’Éducation nationale, les programmes de mathématiques et de français pour les classes de CM1 et de 6ème vont subir d’importantes révisions. Ces changements visent à renforcer les compétences fondamentales des élèves, notamment en réponse aux préoccupations croissantes concernant le niveau scolaire en France.
Cette réforme, qui suscite déjà de vifs débats parmi les enseignants et les parents d’élèves, s’inscrit dans une volonté de mieux préparer les jeunes aux problèmes académiques futurs. Les nouvelles directives mettant l’accent sur l’apprentissage progressif et l’intégration de méthodes pédagogiques innovantes, tout en cherchant à réduire les inégalités éducatives.
Quels seront les impacts réels de ces énièmes modifications sur le parcours scolaire des élèves ? Dans cet article, on vous explique les enjeux et les perspectives de cette refonte éducative.
Quels changements pour les programmes scolaires en 2025 ?
Les programmes de français et de mathématiques pour les classes de CM1 et 6ème seront modifiés à partir de la rentrée 2025, tandis que ceux des CM2 suivront en 2026. Ces révisions visent à moderniser l’enseignement et à mieux répondre aux besoins des élèves. Le Conseil supérieur de l’éducation a présenté ces nouveaux programmes le 27 mars, incluant une réduction de la partie géométrie en mathématiques et une mesure des objectifs de lecture en français en nombre de mots par minute.
Les textes de référence en grammaire n’ont pas été soumis à l’avis des enseignants, ce qui a suscité des critiques.
Ces changements ont provoqué des réactions mitigées parmi les syndicats d’enseignants. Le SE-Unsa s’est opposé à ces nouveaux programmes, les considérant comme non indispensables et dénonçant un manque de concertation avec les enseignants.
Le ministère aurait reçu moins de 500 retours de collègues en français et en mathématiques, et aucun temps de concertation n’a été accordé aux équipes disciplinaires. Cette situation pourrait augmenter la charge de travail des enseignants, notamment ceux de français et de mathématiques en 6e, qui devront adapter leur progression commune.
En parallèle, une inflation des programmes scolaires a été observée. Les programmes de français pour le cycle 1 sont désormais trois fois plus longs, et ceux du cycle 2 deux fois plus longs.
Pour les mathématiques, le cycle 2 a vu ses programmes s’allonger de sept fois. Le Conseil supérieur de l’éducation a voté contre ces nouveaux programmes par 47 voix contre 3.
En France, 60 % du temps scolaire est consacré aux fondamentaux, contre une moyenne de 41 % dans les pays de l’OCDE. 📚
Le tableau ci-dessous résume ces données :
Cycle |
Programme de français |
Programme de mathématiques |
---|---|---|
📚 Cycle 1 |
3 fois plus longs |
N/A |
📚 Cycle 2 |
2 fois plus longs |
7 fois plus longs |
Les enjeux pédagogiques des nouveaux programmes scolaires
La révision des programmes scolaires en mathématiques et français pour les classes de CM1 et 6ème soulève plusieurs enjeux pédagogiques cruciaux. L’objectif principal de ces changements est de moderniser l’enseignement en le rendant plus adapté aux besoins actuels des élèves.
- En mathématiques, par exemple, la réduction de la partie géométrie vise à allouer plus de temps à d’autres compétences jugées plus essentielles dans le contexte actuel, comme la résolution de problèmes et la compréhension des concepts algébriques. Cela pourrait permettre aux élèves de développer une pensée critique plus approfondie et de mieux se préparer aux problèmes académiques futurs.
- En français, la mesure des objectifs de lecture en nombre de mots par minute est une approche qui cherche à quantifier la progression des élèves de manière plus tangible. Cette méthode a suscité des débats, certains enseignants craignant que cela ne réduise la lecture à une simple compétence technique, au détriment de l’appréciation littéraire et de la compréhension globale des textes. Les critiques soulignent que la lecture devrait également améliorer l’imagination et la réflexion personnelle, des éléments qui risquent d’être négligés si l’accent est trop mis sur la vitesse.
Un autre aspect important concerne la formation des enseignants, qui est en cours de réforme pour passer de Bac + 5 à Bac + 3. Cette modification pourrait avoir un impact significatif sur la perception et le rôle des enseignants, en réduisant potentiellement le temps consacré à l’acquisition de compétences pédagogiques approfondies. Cela pose la question de savoir si une formation plus courte peut réellement préparer efficacement les futurs enseignants à ces nouveaux programmes exigeants. La réussite de cette réforme dépendra en grande partie de la capacité des enseignants à s’adapter à ces nouvelles exigences tout en conservant une certaine liberté pédagogique essentielle à l’épanouissement des élèves.
Des ambitions pédagogiques élevées… mais à quel prix ?
Le programme qui met en avant des objectifs transversaux tels que l’autonomie, la persévérance, la verbalisation, et même l’éveil aux enjeux environnementaux. On ne peut qu’adhérer à cette volonté de former des citoyens éclairés et curieux. Mais concrètement, cela se traduit par une densité exceptionnelle des contenus et une multiplication des attendus. Chaque domaine (nombres, calcul, géométrie, grandeurs, proportionnalité, algèbre, informatique…) est décliné en sous-domaines très détaillés, avec des progressions exigeantes dès le CM1.
Par exemple, on attend des élèves de CM1 qu’ils sachent comparer des fractions, les additionner, les soustraire, les situer sur une demi-droite, et ce dès les premières périodes. Ils doivent aussi introduire la pensée algébrique, avec des suites de nombres, des égalités à trous, des modèles symboliques… Ce sont là des tâches qui, dans la pratique, dépassent les capacités de nombreux élèves de cet âge.
Une surcharge cognitive manifeste
Les nouveaux programmes évoquent le rôle des automatismes pour alléger la mémoire de travail et favoriser un raisonnement plus complexe. Cette approche est pertinente en théorie. Mais elle suppose que les automatismes soient déjà installés, ce qui est rarement le cas en début de CM1. De plus, la répétition des termes comme « savoir déterminer », « savoir modéliser », « savoir comparer », dans des listes d’objectifs très détaillées, installe une logique de performance plutôt qu’une logique de construction.
Les exigences sont si nombreuses que l’enseignant devra choisir entre les couvrir superficiellement ou renoncer à une part d’entre elles. L’idée que les élèves résolvent « au moins 10 problèmes par semaine » peut sembler raisonnable, mais devient irréaliste lorsque chaque problème doit intégrer de nouvelles notions, de nouveaux formats, de nouvelles compétences orales et écrites.
Une place marginale laissée à l’expérimentation
On veut valoriser la verbalisation, l’argumentation, la production d’écrits intermédiaires… Mais ces pratiques demandent du temps, de l’écoute, des ajustements continus. Or, la pression du programme, sa technicité, et la faiblesse des moyens accordés aux enseignants (temps de formation, différenciation, accompagnement) rendent difficile l’appropriation de ces pratiques par tous.
On lit par exemple que « la phase “Répondre” conduit à quitter le domaine des mathématiques pour revenir au problème initialement posé en communiquant une solution ». Cette phase est jugée « importante », mais dans la réalité d’une classe de 28 élèves, avec un programme saturé, combien de fois est-elle réellement mise en œuvre avec toute la rigueur souhaitée ?
La pensée informatique : une ambition déconnectée ?
On veut introduire la « pensée informatique » comme un enjeu de société. Pourtant, aucun exemple précis d’activité, aucune démarche didactique claire n’est proposée dans le programme. Sans outils, sans formation spécifique, cette injonction risque de rester lettre morte, ou d’alourdir encore le quotidien des enseignants qui peinent déjà à suivre le rythme imposé.
Des changements incessants qui désorientent
Ce programme s’ajoute à une longue série de révisions : 2015, 2018, 2020… Cette instabilité nuit à la continuité pédagogique. Les enseignants doivent sans cesse adapter leurs progressions, revoir leurs outils, reconstruire leurs séquences. Pendant ce temps, les manuels scolaires peinent à suivre, les familles sont perdues, et les élèves pâtissent d’un manque de repères durables.
Ce qui fonctionnait bien auparavant — comme une pratique régulière des problèmes simples, des temps ritualisés de calcul mental, ou la manipulation de matériel concret — semble désormais noyé dans une sophistication méthodologique parfois contre-productive. Le programme évoque les schémas en barre, les balances, les motifs évolutifs… mais sans garantir que les élèves aient d’abord bien intégré les bases arithmétiques qui permettraient d’y accéder avec sens.
De vives critiques et beaucoup de craintes
Les objectifs de la réforme comprennent l’élévation du niveau des élèves et la garantie que tous découvrent les mêmes notions en même temps. Cette réforme a été critiquée pour sa rigidité et son manque de flexibilité. Roger-François Gauthier a qualifié les changements de « taylorisme scolaire », soulignant une rigidité excessive dans les textes. Les enseignants craignent de devenir des « exécutants » d’une feuille de route rigide, ce qui pourrait induire des démissions.
Guislaine David, représentante du FSU-SNUipp, a exprimé sa crainte d’une perte de liberté pédagogique et d’une transformation des enseignants en exécutants. Une réforme de la formation initiale des enseignants est prévue, passant de Bac + 5 à Bac + 3.
Cela pourrait modifier la perception et le rôle des enseignants dans le système éducatif. Pour compléter, notons que les évaluations de début d’année seront généralisées du CP au CM2.
Les nouvelles mesures regroupent également la nomination de Catherine Albaric-Delpech en tant que sous-directrice des savoirs fondamentaux et des parcours scolaires depuis le 14 avril 2025. Son rôle sera capital pour superviser la mise en œuvre des réformes. Les critiques des syndicats soulignent l’absence de concertation et le manque de flexibilité dans l’application des nouveaux programmes.
À la lecture du nouveau programme de mathématiques pour le cycle 3, une impression ambivalente se dégage. D’un côté, un texte extrêmement structuré, richement détaillé, appuyé sur des intentions éducatives larges : esprit critique, égalité filles-garçons, ancrage dans les défis du XXIe siècle. De l’autre, une impression de déjà-vu, un sentiment de surcharge, et une certaine déconnexion avec les réalités du terrain.
Conclusion : des intentions nobles, mais une mise en œuvre problématique
Oui, les intentions de ce programme sont nobles : il s’agit de donner du sens, de lutter contre les stéréotypes, de développer l’esprit critique. Mais la complexité du texte, sa densité, ses exigences multiples, son instabilité dans le temps, risquent de produire l’effet inverse : désengagement des élèves, épuisement des enseignants, et inégalités renforcées.
Une refonte ne sera efficace que si elle s’inscrit dans la durée, si elle respecte les rythmes d’apprentissage réels, et si elle fait confiance aux enseignants pour adapter, expérimenter, créer. Cela suppose un allègement des attendus, une simplification des priorités, et une meilleure prise en compte de ce qui fonctionne déjà sur le terrain.
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